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Mai Ly
Việt Dương Nhân

Chapitre 10

Mai Ly était encore naïve et inconsciente, une fleur à peine éclose, une fleur des champs. Sa beauté n’est pas altière comme celle des roses, pure et envoûtante comme la pivoine, solide comme cela glycine... Mais elle avait cette beauté de la fleur sauvage, accrochée à son regard perle encore la goutte de rosée du matin, scintillante, prete à se perdre au moindre souffle de vent. Avec sa taille gracile qui se ploie au passage, elle attire le regard du promeneur égaré dans la campagne... Son apparence soignée avec ses ongles bien taillés, couverts d’un léger vernis rosé, donnait à sa fraîcheur sauvage on ne sait quoi une saveur raffinée et nouvelle. Dès le premier regard, on n’avait pas de peine à remarquer la tendre bouche finement dessinée s’en trouvant sur une rangée de perles désirables. Les contours descendent et s’étendent plus bas vers une paire de collines désirables encore fragiles, qui ne demandent qu’à s’épanouir; les vieux boucs ‘’dê-xòm’’ ne demandent aux qu’à les piétiner avec délices...
Depuis la réouverture de Snack-bar-Kim-Cuong, Mai Ly a quelque peu plus de travail pénible à faire. Tous les matins, elle devait assurer le balayage, nettoyage des locaux, assurer la propreté des lieux. Ainsi se déroulaient quelques semaines tranquilles; de temps à autre les unes et les autres des hôtesses la gratifiaient de petits pourboires pour de menus services. Elle n’avait remarqué que la patronne avait un oeil sur elle. Elle avait remarqué la nature curieuse de Mai Ly et ses manèges...
Un après-midi elle fit venir la jeune fille :
- Mai Ly ! Viens me voir demain soir, j’ai à discuter avec toi.
- Oui, madame.
-  Bon, alors à demain!
- Bien, madame.
Le lendemain soir, la jeune Mai Ly monta à l’étage frapper à la porte de la patronne, la réponse ne se fit pas attendre : 
- C’est toi, Mai Ly ? Entre !
- Hier, vous m’avez demandé de venir, que puis-je faire ?
- Non, non... rien ! C’est pour ton salaire, tu es là depuis deux mois et je ne t’ai payé pour l’instant qu’un mois, voici le reste de ton salaire.
Mai Ly voyant qu’elle récupérait enfin le reste de son salaire, se sentait joyeuse, pleine de gratitude envers sa patronne :
- Merci beaucoup, je vous remercie infiniment de l’aide que vous m’avez apporté.
- Il ne faut pas me remercier, c’est tout à fait normal, le petit Út t’adore; ici, tout le monde t’apprécie, tout le monde trouve que tu as une bonne éducation et conciliante avec tous...
- Vos appréciations me touchent beaucoup, je tacherai de faire de mon mieux à l’avenir.
- C’est bien, le Nouvel An va bientôt arriver, pour l’occasion nous irons chercher quelques habits neufs comme le veut la tradition !
- Vous avez raison, avec ce que vous venez de me donner, je pourrais m’offrir une nouvelle tenue.
- Ce n’est pas ce que je voulais dire... nous irons faire nos emplettes ensemble et ce sera mon cadeau !
- Vous êtes vraiment généreuse ! Je vous en remercie encore une fois !
- Tu n’as pas à me remercier, je te l’ai déjà dit ! Tu as une allure vraiment très élégante on peut même dire aristocratique.
Dans sa naïveté, Mai Ly croyait à la bonté humaine, elle ne se sentait pas de joie... La patronne non seulement lui donnait tout son salaire sans qu’elle ait à réclamer et de plus voudrait lui faire un cadeau, une nouvelle tenue pour le Nouvel An :‘’Ma chance est arrivée ! La patronne est contente de mon travail et elle m’aime bien !’’. Elle était aussi très coquette. Les yeux brillants de joie, elle lui demanda :
- Madame ! Est-ce que vous pouvez me le faire savoir un peu à l’avance, je m’arrangerai avec Vú pour s’occuper de petit Út.
- Disons, la semaine prochaine ! Est-ce que ça te va ?
- Très bien, je m’en occupe.
*
 Le jour venu, madame Kim Cuong fit prévenir Mai Ly qu’elle vont y aller :
- Mai Ly!
- Oui, madame.
- Nous irons voir dans la rue Tự-Do (anciennement Catinat du temps des Français). Dans cette rue, il y a beaucoup de magasins de tissus, le choix est très varié !
- C’est merveilleux ! Je ne connais pas du tout cette rue Tự-Do.
- C’est parfait, tu vas certainement etre très contente de toutes les nouveautés que tu vas découvrir. Par contre, avant d’y aller, viens me voir, je t’enseignerai quelques rudiments de maquillage  !
- Oui, madame.
Mai Ly entendant madame Kim Cuong parler de maquillage se disait :‘’Qu’est-ce que c’est... habillée comme je suis, est-ce que c’est pas trop osé ?... Est-ce que je ne vais pas avoir l’air d’un clown !’’. Mai Ly pouvait penser ce qu’elle voulait, madame Kim Cuong avait déjà fomenté son plan. Le lendemain, lorsque  Mai Ly entra chez elle, elle lui remit sa trousse de maquillage et lui apprenait à se peinturlurer avec tous ces artifices, elle lui ordonna de se changer et de revetir une robe à l’occidentale ; la petite ne se reconnaissait pas, mais elle craignait de facher la patronne aussi elle s’exécuta sans rien y comprendre. Mai Ly avec sa jeunesse n’avait pas besoin de grande chose pour être tout de suite encore plus belle. Son teint éclatait de fraîcheur sous cette petite touche rosée sur ses joues. Madame Kim Cuong l’examina d’un oeil critique , elle était satisfaite de son travail. Contente de son oeuvre, elle commença à guider la petite Mai ly dans les dédales des rues... Tout à fait naturellement, madame Kim Cuong fit les présentations, en premier lieu à la vendeuse de tissus :
- Voici ma nièce Mai Ly; ne trouvez-vous pas qu’elle est belle, elle a vraiment beaucoup de classe !
Son interlocutrice sourit en asquiesçant de la tete. Elle apporta quelques pièces de tissu, madame Kim Cuong les déroula devant  Mai Ly :
- Qu’en penses-tu, y-a-t-il quelque chose qui te plait ?
- Oh oui, ça y est ! mon choix est fait.
- Qu’est-ce que tu as choisi comme couleur ?
-  Voilà, celle-ci ! Couleur mauve.
-  Du mauve ! C’est une couleur qui n’est pas très gaie ! Tu ne veux pas changer, tu ne veux pas choisir une couleur plus vive ?
- C’est ma couleur préférée, j’ai toujours désiré avoir tunique de cette couleur.
- Bon, si tu veux, mais tu choisis une autre.
- C’est fait.
- Quelle couleur ?
- Du bleu, est-ce que ça va ?
- Oui, c’est plus gai, c’est mieux. Et pour le pantalon, tu préfères du satin noir ou du satin blanc ?
- Je voudrais bien un blanc et un noir.
La vendeuse coupa le métrage nécessaire pour la confection des tuniques et des deux pantalons; madame Kim Cuong régla les achats à la caisse, puis s’adressant, elle lui indiqua qu’elles allaient continuer leurs emplettes et iraient ensuite chez un couturier :
- Nous allons chercher les accessoires qui vont avec... chaussures, sac à main ! On peut les trouver dans la rue qui se trouve juste au coin après le tournant, c’est la rue Nguyễn Huê (un héros, fondateur de la première dynastie vietnamienne ).
Les emplettes terminées, elle amena Mai Ly à l’atelier de confection et passa commande, livraison dans trois jours. Mai Ly assise dans la berline avec madame Kim Cuong fut soudain prise d’un doute :‘’C’est tout de même un peu étrange, pourquoi tant de gentillesse et de sollicitude ? Qu’est-ce qui se cache derrière cette attitude  ?!’’. Malgré ses doutes et ses inquiétudes, elle était tout de même heureuse d’avoir eu l’occasion de s’acheter toutes ces belles choses, surtout la tunique couleur mauve; avec son salaire de rien du tout, comment aurait-elle pu se procurer tout ce luxe...
Toutes ces opérations terminées, madame Kim Cuong prit la route qui longeait le quai Bạch-Đằng, et elles arrivèrent chez elles à peu près à sept heures du soir.
La nourrice Vú avait terminé de préparer le repas du soir depuis longtemps. Sur le devant de la villa, l’enseigne Snack-bar-Kim-Cuong brillait de tous ses feux, toutes ces petites lumières clignotantes, une multitude d’étincelles multicolores.. que Mai Ly regarde avec ravissement !  A l’intérieur règne une intense animation, quelques hôtesses sont là en train de dîner et de deviser gaîment . La maison est baignée dans une lumière brumeuse, un chaos magique...
*
Depuis qu’elle avait six ans, Mai Ly vivait ça et là sa condition d’orpheline ballotée à droite à gauche. A qui pourrait-elle en vouloir ? A qui adresser ses reproches ? A propos de quoi ? Pendant les dix années où elle avait du galérer, seule la famille des Tấn l’avait prise sous leur protection. Finalement, sa condition n’avait point changé, elle est toujours une travailleuse à la merci des autres; aujourd ‘hui devant l’intérêt que lui porte madame Kim Cuong elle est quelque peu perplexe, de nombreuses questions s’élèvent dans son esprit...
Les mois passèrent pour Mai Ly dans la maison de madame Kim Cuong, elle avait acquis l’affection du petit garçon Út et même la femme de service qu’on avait toujours nommé la nourrice Vú lui témoignait un peu de sollicitude. Devant une situation relativement paisible, elle se consolait en elle-même : ‘‘A vrai dire, j’ai tout de même une petite chance ! Je vais tâcher de bien travailler, je pourrais faire un peu d’économie, cela sera peut-être suffisant pour que aider ma mère, elle n’aura plus à peiner pour faire ses crêpes !’’.
à tout moment Mai Ly pensait à sa mère bien qu’elle ne soit pas du tout proche de celle-ci, bien au contraire. ‘’Père et mère sont les géniteurs. Le Père du ciel est seul à doter d’un caractère...’’. Mai Ly gardait une grande fierté et un fort ressentiment en elle. Cependant elle lui était toujours reconnaissante de l’avoir mise au monde et nourrie pendant six longues années.
Dans la famille, on lui avait rapporté une petite histoire. Avant la naissance de Mai Ly, son grand-père avait été consulté les oracles Tº-Vi pour connaître la destinée de l’enfant qui va naître, le chamane avait prédit à l’époque : ‘’Si c’est un garçon, la famille entière en profitera, ce sera la grande prospérité. Si c’est une fille, la famille subira de grands malheurs et sera dispersée’’. Mai Ly étant une fille, son père s’empressa d’aller revoir le chamane pour revoir plus précisément les oracles encore une fois, celui-ci lui dit que la petite ne vivra pas longtemps à ses côtés. C’est pourquoi, dans l’esprit de tous, elle n’allait pas survivre très longtemps et tous de son grand-père jusqu’à son père, tous la choyaient de leur mieux pensant qu’elle allait mourir jeune. Ils ne se doutaient pas que dans cinq ans, ceux qui l’aimaient le plus au monde, son père et son grand-père tous deux allaient la quitter définitivement. Son père activiste et nationaliste avait été tué par la police Française, quant à son grand-père atteint de cancer, il décéda peu de temps après, il atteignait à peine ses soixante ans.
Les gens se fiaient aux propos du chamane et des oracles. Les malheurs s’abattirent sans répit sur la famille qui sombra dans la gene. La petite Mai Ly malgré son jeune âge fut rendue coupable de tous les méfaits. La mère de Mai Ly était une jeune veuve encore très désirable, les hommes n’arrêtaient pas de lui tourner autour et sans plus tarder, sa mère envisagea de se remarier. Mai Ly était tellement attachée à son père qu’elle ne supportait pas de voir un autre homme avec sa mère, elle haïssait son beau-père et ne voulut pas vivre avec sa mère et celui-ci. La mère de Mai Ly espérait la faire fléchir. Mais Mai Ly était plutôt tetue, elle préférait mourir plutôt que de céder. Elle se sépara de sa mère et vécut une vie sans père ni mère. Il est vrai que dans leur égoisme, les enfants ont toujours considéré les parents comme leur propriété propre qu’ils ne veulent pas partager...
Parce qu’elle ne voulait pas vivre avec son beau-père, elle avait du errer de famille en famille toutes ces années. Bien qu’elle gardat en elle l’image de la mère qu’elle adore, Mai Ly ne pouvait la rejoindre à cause de l’aversion qu’elle avait du beau-père; madame Hùng perdit son second mari, se remaria et le dernier mourut aussi.
Hélas, Mai Ly n’est qu’une bonne d’enfants avec un salaire de rien du tout, comment pourrait-t-elle aider sa mère ? Et elle-même, aura-t-elle la capacité de s’assumer ?  Mai Ly se sentait comme un frêle esquif au milieu des flots, aura-t-elle la force de le guider à travers les eaux tumultueuses qui l’assaillent sans arrêt, cherchant à la couler sans pitié... En cet instant, qui va s’ocupper d’elle ? Voyant l’intérêt que madame Kim Cuong lui porte, Mai Ly était très inquiète, elle se demandait ce que cela veut dire ?
Madame Kim Cuong a offert à Mai Ly deux ensembles tuniques et pantalons qui était enchantée de cette générosité. Un soir, elle lui dit :
- Mai Ly, je vais recevoir des hôtes de marque, j’aurais besoin de toi pour les recevoir.
- Certainement, madame. Que dois-je faire ?
- Eh bien, cela va être l’occasion d’étrenner tes belles tenues et tu n’as qu’à te servir de ma trousse de maquillage comme la dernière fois !
- Pour cela, c’est possible ! Mais je saurais pas quoi dire !
- Ce ne sera pas difficile, tu seras une belle fleur qui sait parler, ce sera facile.
- Vous croyez, j’ai peur de ne pas savoir faire !
- Ne t’en fais pas !  tu n’as qu’à faire comme je te l’ai dit, ce ne sera pas si terrible que ça... tu verras...
- Je vais essayer.
Mai Ly se sentait obligée d’obéir à madame Kim Cuong. Elle fit comme l’avait suggéré madame Kim Cuong, elle entra dans la chambre de celle-ci et se maquilla comme on le lui avait appris la dernière fois. Une fois le maquillage terminé, elle choisit sa couleur préfère, la tunique mauve sur un pantalon de satin blanc, puis elle se mira dans le psyché pour vérifier le travail : elle se trouva plus belle qu’à l’ordinaire, contente de l’image qu’elle avait devant elle, elle chaussa la paire de hauts talons assortis et se regarda à nouveau... : ‘’miroir..., dis-moi.... !’’.
La fleur à peine éclose
Papillons, frelons se disputent les faveurs...
Dans le Snack-bar-Kim-Cuong la musique a commencé à retentir et les notes se mêlent aux rires des hôtesses, et les plaisanteries des garçons de table... Mai Ly descend les rejoindre... elle se  soulève avec précaution le rideau qui masque l’entrée. En la voyant, l’une des hôtesse s’écria:
- Oh... ! C’est bien toi, Mai Ly ? Je croyais que c’est une nouvelle qui vient d’arriver. C’est parfait, tu es très belle ! Oh là là, nous allons avoir une rude concurrence, il ne nous reste plus qu’à pointer au chômage !
Ces réflexions mi-amicales mi-agressives, faisaient comprendre à Mai Ly que la vie est un arène de combats impitoyables. Mai Ly se contentait de sourire sans répondre. L’attente n’avait pas été longue, un coup de klaxon impératif retentissait à l’entrée de la villa. La voix stridente de Kim-Cuong parvenait du haut de l’étage :
- Mai Ly ! Mai Ly ! Ce sont les visiteurs que j’attends, vas les accueillir et fais les monter à l’étage !
Les deux limousines de marque prestigieuse Mercedès sont conduites par des chauffeurs en livrée, dans la première, il y avait deux couples... Dans la deuxième, il n’y avait qu‘un seul occupant. Ils étaient tous élégamment et richement vêtus, les femmes portaient de magnifiques bijoux, les pierres brillaient toutes plus grosses les unes que les autres. Su qui s’occupait des entrées, alla les accueillir et les mena vers Mai Ly  :‘’Il semble avoir reçu ses instructions depuis longtemps et sait exactement ce qu ‘il doit faire !’’.
S¿ leur présenta :
- Voici Mai Ly ! Elle va vous accompagner.
- Bonjour Madame, Madame, bonjour Monsieur, Monsieur, Monsieur veuillez me suivre, je vous prie .
Les invités de marque la suivirent en devisant gaîment. A l’étage, il y avait les appartements de madame Kim-Cuong,  qui étaient composés d’une grande de réception et de la chambre de celle-ci qui se trouvait derrière le salon. La table était déjà mise, les couverts préparés attendant les convives. Mai Ly les invita à s’asseoir, mais ils restèrent tous debout continuant à deviser. Madame Kim Cuong sortit lentement de sa chambre, souriante :
- Bonjour, mes chers amis, vous n’avez pas eu trop d’embouteillage sur le chemin ? Prenez place, je vous en prie...
Madame Kim Cuong présenta Mai Ly à ses convives :
- Je voudrais vous présenter ma pupille Mai Ly, elle vient d’arriver de Dalat, elle était en villégiature.
L’une des invitées s’exclama :
- Comme elle est mignonne, la fraîcheur de la jeunesse !
Tout le monde était d’accord sur ce point. Tout le monde se mit à table. Madame Kim Cuong plaça Mai Ly près d’un homme bedonnant et grisonnant, elle commença à présenter l’un après l’autre les convives :
- Mai Ly ! Voici monsieur Thành An, Monsieur et Madame Quãng Bình et Monsieur Madame Tân Hung. Ces messieurs dames appartiennent au milieu de l’import-export et ils tous des amis et mes hôtes de marque.
Mai Ly salua chacun d’entre eux. Ils ont tous l’âge d’être son père ou sa mère. Mai Ly était donc assise à côté de monsieur Thành An, madame Kim Cuong était assise à la droite. Le repas bien que simple dans son ensemble était composé de plats très recherchés. Les convives devisaient entre eux, seule Mai Ly restait silencieuse, sans avoir rien à dire, elle se sentait oppressée et n’avait qu‘une hâte que le repas chère pour qu’elle puisse s’échapper.
Il se fait tard, monsieur et madame Quãng Bình et monsieur et madame Tân HÜng prirent congé. Il ne restait plus que monsieur Thành An, madame Kim Cuong et Mai Ly. Madame Kim Cuong demanda à monsieur Thành An :
- Comment vont les affaires en ce moment ? On dit que vous venez juste d’arriver de Hong-Kong ?
- C’est exact. Je suis rentré la semaine dernière. Je vous remercie beaucoup pour le repas de fête que vous nous avez préparé et je suis aussi enchanté de faire la connaissance de votre nièce Mai Ly.
Se retournant vers Mai Ly, il lui demanda :
- Je m’excuse d’être indiscret, mademoiselle. Mais quel âge avez-vous cette année ?
Mai Ly ne savait pas trop comment répondre... madame Kim Cuong vint à son secours :
- Mai Ly vient d’avoir ses seize ans, il n’y a pas longtemps !
Monsieur Thành An était étonné :
- Seulement seize ans ? De prime abord, je la croyais plus âgée !
Mai Ly restait pétrifiée, le souffle coupé. Pendant ce temps, monsieur Thành An la fixait la reluquant sans se lasser, il claquait continuement la langue comme un fauve attiré par une si belle proie, prêt à foncer sur sa victime... avec une gourmandise indescriptible... Avec ses yeux globuleux, il fixait intensément la jeune fille et continua à poser des questions de plus en plus pressantes :
- Ceci dit, mademoiselle Mai Ly, êtes-vous mariée ?
Prise au dépourvu, Mai Ly intimidée et gênée regarda par terre tout en répondant tout bas :
- Pas encore, monsieur ! Je suis encore  trop jeune !
(...)
La musique dans la salle du bar en bas de l’escalier s’était maintenant tue complètement. Madame Kim Cuong et monsieur Thành An Ont engagé la conversation depuis pas mal de temps déjà ; à la fin, monsieur Thành An se leva demanda la permission de s’en aller. Son chauffeur l’attendait dans la cour. Madame Kim Cuong d’un clin d’œil plein de sous-entendu fit signe à Mai Ly, elle lui signifait en fait qu’elle devait raccompagner monsieur Thành An. Avant de monter en voiture, l’imporateur fit signe à Mai Ly lui demander de s’approcher, il sortit de la poche de son veston une enveloppe et la lui tendit. Mai Ly était interloquée, ne sachant pas ce qu‘il convenait de faire. Par réflexe, elle prit l’enveloppe sans savoir. Après cela, monsieur Thành An dit au chauffeur de démarrer la voiture. Mai Ly tenait l’enveloppe à la main, sans savoir ce qu‘il y avait dedans... Madame Kim Cuong l’interrogea :
- Qu’est-ce que monsieur Thành An vient de te remettre ?
- La voici, madame. Je ne sais pas, je ne sais pa ce que c’est... Je ne comprends pas ! ...
- Ouvre, fais voir et puis non, montons là-haut. Je ne sais pas si ce soir, elles ont eu beaucoup de clients ou non ? La petite Marie-Thu est certainement allée se coucher. Tant pis, on verra cela demain.
Madame Kim Cuong et Mai Ly remontèrent à  l’étage, la tenancière commença à soupeser discrètement l’enveloppe :
- Allons dans ma chambre pour regarder ce qu’il y a dedans !
Madame Kim Cuong ouvrit l’enveloppe, elle en sortit une carte de visite sur laquelle étaient inscrites quelques mots :‘’Pour mademoiselle Mai Ly un petit souvenir !’’. La tenancière s’empressa de compter les billets qu’elle venait de retirer de l’enveloppe :
- Il est vraiment très généreux, monsieur Thành An ! Il t’a donné dix mille piastres !
Mai Ly était saisie... elle se demandait :‘’Que se passe-t-il...c’est incompréhensible... ? Je ne connais pas ce monsieur, il n’a rien à faire avec moi... ce n’est pas un ami et ce n’est pas non plus quelqu’un de la famille... Comment se fait-il qu’il me donne autant d’argent ?’’. Elle se retourna vers madame Kim Cuong, celle-ci pourrait peut-être lui donner quelques éclaircissements :
- Madame ! Je ne peux accepter !
- Que tu acceptes ou non, ce n’est grave et puis d’ailleurs, il est déjà reparti, il a de ma sympathie pour toi, c’est pour  cela, mais il ne faut pas oublier non plus que tu dois partager avec moi.
Mai Ly était toute étonnée :
- Partager avec vous, mais pourquoi ?
- Eh bien, c’est bien grâce à moi que tu as eu ce cadeau.
- Si c’est comme cela, vous n’avez qu’à garder tout cela !
- Non ce n’est pas possible, c’est aussi grâce à toi aussi !
- Je ne peux pas ! Je ne veux pas devoir quoique ce soit à ce monsieur.  Et puis... et puis, comment vais-je pouvoir rembourser tout cela ?
- On verra plus tard pour le remboursement. Tiens, prends quatre mille piastres, le reste je le garde.
Mai Ly est complètement perdue... elle ne comprenait plus rien... Évidement, la somme dépasse son entendement, c’est plus d’une demi-année de salaire. Elle avait très peur, mais était obligée de s’incliner devant un événement aussi inattendu. Mai Ly se songea à sa mère, elle se disait :‘’Avec cette somme d’argent, je vais pouvoir demander quelques jours de congé et aller voir ma mère, je lui en donnerai un peu, ça va la soulager un peu ; je suppose qu’elle est toujours en train de faire des crêpes pour vendre. Et puis, j’irai aussi rendre visite aux TÃn... ?!’’. à cette pensée, l’image de Hoàng revint avec insistance dans la mémoire de Mai Ly, la blessure ancienne se rouvrit à nouveau... le coeur serré, elle se sentie envahaie par un flot de sentiments l’assaillant de toutes parts.
Le jour d’après, Mai Ly demanda à madame Kim Cuong la permission de s’absenter pendant deux jours pour aller voir sa mère, celle-ci lui accorda le congé, mais lui donna l’orde de laisser là et ne pas emporter les deux tuniques qu’elle lui avait achetées. A ces parôles, Mai Ly était plutôt désabusée, elle avait compris...:‘’Elle a peur que je laissa place et que je ne revienne plus mais pourquoi ? Je n’en avais pas du tout l’intention !’’. Néanmoins, Mai Ly fit ce qu’on lui avait demandé de faire. Elle prit un sac de nylon, y mit son pyjama et se rendit à la rue Cao-Thắng pour prendre le bus qui va jusqu’au marché de Xóm-Củi. Puis comme d’habitude, elle fit le reste du chemin à pied jusqu’au quartier de Xóm-Đầm. Elle arriva chez sa mère à 10 heures environ, celle-ci était en train de s’affairer devant le fourneau de bois pour préparer le repas, le charbon rougeaoyait dans l’atre. Toute heureus, elle l’appella :
- Maman, c’est moi ! Bonjour, maman, est-ce que tu vas bien ?
- Oh, c’est toi ! Depuis quelques mois, tu es fâchée contre moi, où as-tu été, chez qui as-tu été ; et qu’as-tu fait depuis ?
- Eh bien, eh bien... je suis allé travaillé à Sàigòn !
- Chez qui, quel est ton travail ? Et à Sàigòn, dans quel quartier ?
- Je travaille pour les américains... !
Madame Hùng était étonnée :
- Pour les américains ! Comment as-tu fait... qui t’a présenté ?
- Je me suis débrouillée seule !
- Seule ! Tu n’as pas eu peur ? Mais, tu as pu garder la place ?
- Mais oui, ne t’inquiètes pas. Je suis rentrée quelques jours pour te voir. Et puis, tiens, j’ai fait quelques économies que voilà... tu peux les prendre !
Mai Ly alla s’asseoir à côté de sa mère, elle continua :
- Maman, cet argent est pour toi, tu peux les dépenser petit à petit ou bien tu peux essayer de changer de métier, parce que faire des crêpes comme tu le fais, cela peut nuire à ta santé, tu devrais faire attention !
Mai Ly mit dans la main de sa mère trois mille cinq cents piastres sur les quatre mille qu’elle avait reçus...
Madame Hùng prit les billets et les compta, elle regarda sa fille et lui demanda :
- C’est beaucoup d’argent, ils doivent très bien payer les américains. Dis-moi, tu reçois combien par mois ?
Mai Ly hésita, puis répondit :
- ...Eh bien... en fait, je gagne deux mille piastres par mois. A quoi ça sert de m’interroger, tu n’as pas à le savoir.
- Écoute-moi bien..., fais bien attention, ne te laisses pas influencer par des gens malfaisants... il faut te méfier d’eux, ne les écoutes surtout pas !
- Mais non, je sais, je ne fais rien de mal !
- Alors tu reste pendant combien, quand est-ce que tu repars ?
- Ce soir.
- Tu peux alors dîner avec moi ! Je vais faire les plats que tu aimes.
Elles dînèrent joyeusement toutes les deux, heureuses de se retrouver et personne ne fit une quelqu’un remarque sur ce qui s’était passé. Mai Ly demanda des nouvelles des uns et des autres, frères et sœurs, cousins, cousines, parents proches ou éloignés des deux côtes paternel et maternel ; tous se portaient bien. Elle avait même eu le temps de passer voir près de là ses deux tantes, les demi-sœurs de sa mère, l’une avait une épicerie et l’autre une boutique de couture.
A la fin de l’après-midi, Mai Ly dit au revoir à sa mère qui l’embrassa tendrement en lui demandant  :
- Taches de revenir me voir plus souvent ?
- C’est promis, dès que je peux, je repasserai te voir. Je vais tâcher de gagner un peu plus d’argent, cela pourra te soulager et tu n’auras plus à travailler ! Au revoir, maman !
Bien que le soleil soit déjà très bas à l’horizon, restait encore la chaleur étouffante de la journée, sans un souffle de vent. Mai Ly refit le chemin à pied jusqu’à Xóm-Củi, elle se dirigea droit vers le quai Bình-Đông, puis bifurqua vers chez Tấn-Phát. Son bit était évident, Mai Ly cherchait Hoàng. Ellle vit madame Tấn en entraînt, celle-ci lui demanda de ses nouvelles :
- Oh, Mai Ly ! Comment vas-tu ? Raconte, où habites-tus maintenant, es-tu retournée chez ta mère ?
- Non, en ce moment je travaille et j’habite dans le quartier Hồng-Thập-Tự - Cao-Thắng.
- Ah bon ! Est-ce que ça va ? Est-ce que ça te plait ?
- ça peut aller . Votre famille, votre mari et les enfants, ils vont bien tous ?
- Je te remercie, ils sont tous en bonne santé. Việt et Mỹ sont toujours scolarisé à Thị-Nghè. Il n’y a que la petite Nga qui est ici.
- Chez votre mère à Thị-Nghè tout le monde va bien ?
- Oui, pas de problème. Ma mère nous parle toujours de tois, elle t’aime beaucoup.
- Si vous la voyez, transmettez-lui, s’il vous plait, tous mes respects et mon affection.
En disant cela, Mai Ly était émue, elle pensait à madame Nhung qui l’aimait comme sa propre fille, elle avait les larmes aux yeux. Elle continua :
- Et Chị Út, chị Vú... et puis votre secrétaire Hoàng travaille-t-il encore pour vous ?
- Oui, rien n’a changé.  Est-ce que tu peux rester diner avec nous , ce soir ?
- Oui, ça me fera plaisir. Je vais aller dire bonjour à chị Vú et chị Út. Mais, je ne vois pas notre ami Hoàng ?
- Ils sont sortis mon mari et lui pour régler quelques affaires. Je pense qu’ils ne vont pas tarder à revenir
Mai Ly se rendit à la salle de cuisine. ChÎ Vú et chÎ Út étaient en train préparer le repas du soir. En voyant Mai Ly chị Út l’accueilla chaleureusement :
- Ah, Mai Ly ! Cela fait longtemps que nous n’avons pas eu le plaisir de se voir. Eh bien, tu es bien belle aujourd’hui, y-a-t-il du nouveau ?
Chị Vú renchérit :
- Alors, qui est l’heureux élu ? Tu es une belle fille maintenant. Choisis un beau parti et puis maries-toi, un foyer stable, c’est ce qu’il te faut.
- Arrêtes de me charrier... je ne suis pas pressée Vú !  Je suis encore trop jeune pour me marier, personne ne voudra de moi !
Comme auparavant, elles se mirent à faire la cuisine, tout en bavardant gaiement. Mai Ly dîna avec la famille. A table, tout le monde était là, Hoàng qui était rentré, était aussi présent. Mai Ly gardait un calme olympien, elle ne posa que quelques questions banales.
Le repas, Mai Ly aida à desservir et fit la vaisselle. Pendant ce temps, Hoàng attendait patiemment Mai Ly. Il sacrifia sans broncher un rendez-vous, il ne voulait pas rater l’occasion... Mai Ly quant à elle essayait de calmer la tempête qui se levait, elle attendait que Hoàng crée l’occasion... Mai Ly venait de se lever, Hoàng l’arrêta rapidement :
- Mai Ly ! Est-ce que tu as un peu de temps ce soir ? Je voudrais t’inviter, nous irions au cinéma, puis on ira mager une glace !
Mai Ly était heureuse, elle regarda Hoàng, les yeux remplis d’espoir :
- Pour la glace, c’est d’accord. Mais je crains qu’il ne se fasse tard pour le cinéma.
Hoàng savait fort bien que Mai Ly était là uniquement pour lui... il fit semblant de lui demander :
- Tu as déjà un rancard ?
- Mais non !
- Alors pourquoi tu dis que c’est trop tard ? Si on se retarde un peu, ce n’est pas un problème.
- J’ai dit tard parce que je dois rentrer à la maison. Si je ne rentre pas à temps, ma patronne sera couchée et ne me laissera pas entrer.
- Tu sais bien que si c’est rtrop tard, je trouverai bien un endroit pour te loger.
- Tu es sur ? Tu me promets, je dois rentrer avant minuit.
- Je promets de ramener Cendrillon avant les douze coups de minuit !
- Tu me le jures, si ma patronne me renvoie, je vais mourir de faim... tu auras ma mort sur la conscience !
- Je te le promets, je te garantis que nous serons à l’heure.
Mai Ly alla prendre congé rapidement de tous les autres membres de la famille Tấn, ainsi que chị Vú et chị Út. Hoàng prit Mai Ly derrière lui sur le Solex et ils allèrent vers un cinéma de quartier, le Khải-Hoàn. Ils s’arrêtèrent d’abord dans un petit café près de là pour prendre la glace promise. Mai Ly assise à côté de Hoàng ne pipait mot, elle était comme hypnotisée par son charmeur de Hoàng. Celui-ci lui tenanit la main, il aurait bien voulu la conduire dans un hôtel près de là. Mais il se souvint que Mai Ly était encore mineure et il n’osa pas mettre à exécution. Le temps passe... Mai Ly reprit soudain ses esprits, en regardant l’horloge murale :
- Nous allons être en retard, Hoàng ! Je dois rentrer, il est déjà plus de onze heure et demie.
- On va y aller, si tu veux. Mais les rues Hồng Thập Tự - Cao Thắng sont près d’ici, il n’y a pas à s’en faire.
Mai Ly réfléchit quelques secondes puis proposa :
- Je peux rentrer seule, je prendrai un cyclo-pousse.
- Mais pourquoi changes-tu d’avis comme cela ?
- C’est parce que je ne veux pas te déranger, t’obliger à rentrer.
- Tu ne me déranges pas ! Je t’avais promis de te ramener... Eh bien, je te ramènerai avant minuit, chose promise, chose due !
Mai Ly perplexe ne dit plus rien et se laissa ramener par Hoàng. En arrivant au Snack-Bar Kim Cuong, Hoàng ne repartit pas tout de suite, il attendait que Mai Ly soit rentrée dans la cour. Mai Ly demanda à  Hoàng :
- Pourquoi, tu ne t’en vas pas, il est déjà tard, qu’est-ce qui t’arrive, que regardes-tu comme cela ?
- Rien, rien... Mai Ly ! Tu travailles ici, dans cette maison ?
- Oui, je garde le jeune fils de la patronne.
- Je ne te crois pas !
- Mais, pourquoi... tu ne me crois pas ?
- Bon, je m’en vais. Bonne nuit, dans quelques jours, je reviendrai te chercher pour aller au cinéma.
- D’accord, n’oublies pas, j’habite ici maintenant.
 

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